Masquette lukwakongo

« Le marteau laissé par le défunt. »
Les masquettes, taillées pour la plupart dans le bois de l’arbre muntonko (Alstonia), ont généralement le visage blanchi et portent une barbe de fibres luzelu, faite traditionnel­lement non pas de raphia, mais de fibres tirées de la liane lukusa (Manniophytum fulvum ou Cardia abyssinica); cette barbe est fixée au moyen d’un cordon passé dans plusieurs perforations du bord inférieur du masque. Le front et les bords présentent généralement une patine brune brillante.
La masquette de bois est un des insignes les plus importants d’un initié du grade supé­rieur pénultième, lutumbo Iwayananio. Dans certains groupes cependant, le masque n’est pas la propriété de chaque initié de ce grade, mais d’une seule personne pour le compte des initiés de la famille étendue ou d’une lignée patrilinéaire couvrant cinq générations. Ce type de masquette n’existe pas dans certaines régions.
La masquette est transférée et acquise pendant le rite lukwakongo du grade lutumbo Iwa yananio. Elle est cédée au parent patrilinéaire ou matrilinéaire choisi pour « successeur » lorsque le propriétaire de la masquette meurt, passe au niveau hindi ou obtient certaines fonctions spéciales dans le grade yananio.
La masquette est conservée dans la gibecière d’un homme avec d’autres emblèmes et gardée dans sa maison par son épouse aînée initiée kalonda. Lorsqu’un yananio meurt, il est enterré dans la maison de son épouse kalonda; son masque est placé sur la tombe avec d’autres insignes.
Dans les rites yananio, les masquettes sont généralement présentées en groupe, en ce sens que chaque yananio participant doit emporter son masque à l’initiation et le mon­trer quand on le lui demande. Pendant les manifestations collectives, les masquettes sont attachées à une étoffe blanche, fixées au couvre-chef, maintenues contre le front ou sous le menton, placées sur le sol les barbes se touchant, tenues en main, tirées ou ani­mées d’un mouvement de pendule par leurs barbes, fixées à une claie prévue à cet effet. Dans une des exhibitions, les masquettes sont manipulées par les épouses kalonda ini­tiées en présence de leurs époux à qui elles les restituent finalement. Au cours d’un rite yananio peu fréquent, une masquette peut être placée seule sur un haut poteau. Occasionnellement, une masquette apportée par un précepteur apparaît brièvement au cours d’un rite de grade inférieur, un peu à titre d’avant-goût d’événe­ments grandioses à venir.
Contrairement aux figurines anthropomorphes et à bon nombre de sculptures animales, les masquettes de bois ne portent pas de nom individuel. Lukwakongo (dans certaines régions tulimu) est le terme générique utilisé pour les désigner toutes. Un rite dans lequel intervenait cette masquette cat. 17 (Tervuren 55.3.142) donne une idée de la complexité des significations véhiculées par les lukwakongo dans le contexte initiatique. Trente-cinq initiés lutumbo Iwa yananio participaient à ce rite et trente-cinq masquettes étaient présentes. On ne faisait aucune distinction entre les masques; ils étaient traités comme une seule unité, tous exprimant une communauté de valeurs.
Nous pouvons appliquer les significations exprimées dans ce rite au groupe de masquettes non identifiées exposées ici.
En quoi ces idées consistent-elles ? Comme c’est si fréquemment le cas dans les rituels du Bwami, les valeurs sont exprimées de manière antithétique par des aphorismes à la formulation positive et négative, chantés dans un contexte d’action dramatique. D’une part, les initiés expriment l’idée de continuité, louant un « fils » parvenant à ce que son « père » avait accompli avant lui. Plus que cela, ils acclament un « fils » qui surpasse son père en accédant à un ordre supérieur de l’appartenance au Bwami et louent sa sa­gesse dans les préparatifs aux initiations, son assiduité et son humilité pendant les pro­cédures initiatiques. Autrement dit, le spectacle des masques constitue un rappel des hautes valeurs que défendaient les pères, les prédécesseurs, les ancêtres. D’autre part, les initiés critiquent un Sieur Beau-Nez séducteur de « femmes mûres » (c’est-à-dire des femmes parvenues aux grades bulonda et bunyamwa), un Sieur Zizanie fauteur de querelles entre ses proches, un Cœur-Mauvais qui se moque d’un initié âgé mendiant sa nourriture, sans se référer à un masque spécifique. Du début à la fin des rites, les lukwakongo symbolisent la continuité au sein du Bwami et des groupes de parenté, une continuité qui lie les vivants aux morts. C’est un grand accomplissement pour un homme que d’atteindre la position morale et sociale de ses pré­décesseurs.
L’ensemble des usages et des significations a été commenté dans Biebuyck 1972, pp. 210-213 et dans Biebuyck 1986, pp. 128-150.

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Informations complémentaires :

  • Pays & Régions : Congo - Zaïre, Région : Lualaba, Pangi
  • Type d'objet : Masque anthropomorphe
  • Thème : Fiche de référence, Masquettes Lukwakongo
  • Aire Culturelle : Bassin du Congo
  • Lieu :
  • Provenance : Collecté en 1952 par le Dr Biebuyck en territoire Pangi pendant le rite lukwakongo.Coll. Africa Museum, Tervuren, Inv. 55-3-142.Le propriétaire était un initié lutumbo Iwa yananio.
  • Bibliographie, Expositions : Ethique et beauté Lega au coeur de l'Adrique de Daniel P. Biebuyck ED. KBC Banque & Assurance Snoeck-Ducaju & Zoon Ed.2002, p.73 cat.17
  • Caractéristiques : Bois, Kaolin, barbe en fibre; H:173mm

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